Et si on essayait le “ROC”, pour voir?
Jean-Jacques Cloquet, on ne le présente (presque) plus! Il a, à son actif, un nombre certain de belles histoires managériales et une reconnaissance unanime qui font de ses expériences des enseignements à décliner dans chaque structure. L’accueillir a été pour nos collègues des Ressources humaines, la concrétisation d’un projet, mis entre parenthèses par la crise sanitaire.
N’attendez pas de Jean-Jacques Cloquet, ex-CEO de l’Aéroport de Charleroi, de grands principes théoriques sur les bonnes pratiques du management. L’homme raconte sa carrière, ses réussites, ses échecs qui l’ont amené, doucement mais sûrement, à envisager le “Retour sur considération”, le “ROC”, pierre angulaire de sa réflexion d’aujourd’hui. A chacun d’y puiser les éléments qui enrichiront son quotidien professionnel.
“il faut oser l’humain dans l’entreprise,” martèle-t-il. “Toute fonction est importante. Chaque personne a une valeur ajoutée qui peut améliorer l’entreprise entière. Il faut toujours prendre le temps de la décision, ne pas raisonner avec l’émotion et, quand on décide, expliquer les choses clairement, dire pourquoi on a pris cette décision sans avoir peur de s’exprimer .”
Le “ROC”, c’est une sorte de formule gagnante pour les structures, même publiques : actionnaires, partenaires (clients ou fournisseurs) et personnel s’y retrouvent tous à condition de respecter un équilibre.
“On pense souvent au ROI, retour sur investissement, mais le ROC, le retour sur considération, c’est faire que l’entreprise devienne son entreprise. Qu’on ait envie d’y aller, qu’on se sente concerné.e par son évolution et pour y parvenir, il faut du respect, de l’écoute, de la critique constructive qui contribueront à développer un dialogue pour entendre les suggestions du personnel. A la clé, un faible absentéisme, une motivation plus grande chez les gens, un bon dialogue social… Il faut convaincre la ligne hiérarchique d’aller dans cette dynamique. A l’aéroport de Charleroi, cette approche nous a permis de breveter des innovations venues des agents de terrain, bagagistes ou personnel d’entretien… Un manager, c’est comme un chef d’orchestre, il ne sait pas tout, ne maîtrise pas tout mais sait s’entourer des gens compétents qui vont l’aider à jouer son rôle à lui: assurer la pérennité de l’activité et envisager son évolution, tout en veillant au bien-être du personnel.”
“ Un bon manager, c’est comme un chef d’orchestre, il n’est pas premier violon mais sait s’entourer des bonnes personnes. “
Ce bien-être est capital à une époque où il devient aussi difficile de recruter que de garder le personnel.
“Il faut veiller aux conditions de travail en aidant au maximum le personnel dans son quotidien, s’intéresser à l’organisation du travail avec le télétravail, le coworking, la flexibilité. Et évidemment, instaurer un climat de confiance suffisamment important pour que le personnel ose s’exprimer et exprimer son potentiel. Identifier ce potentiel, c’est aussi la tâche du manager. C’était ce qui se passait à Solvay où j’ai longtemps travaillé. Pour y parvenir, il faut cultiver l’esprit d’entreprise, soigner la communication interne, au sein même de la ligne hiérarchique, partager les succès de la structure en insistant sur le développement collectif. Bref, nourrir la fierté.”
Cette émulation, ce climat favorable stimulent la liberté de parole, d’innovation aussi. “Même si parfois, il y a une inadéquation entre les attentes du centre de décision et le terrain, il faut expliquer pourquoi à un moment on revoit un projet: on continue d’avancer mais autrement. Nous l’avons fait, à l’aéroport: nous avons revu notre grande maison en petite remise et avons pu continuer à nous développer.” Et Jean-Jacques Cloquet insiste: “S’intéresser aux gens qui ne se plaignent pas autant qu’à ceux qui se plaignent, les premiers prennent beaucoup sur eux et peuvent sombrer dans le burn out.”
En quête de sens
Dans notre société en évolution constante, le ROC, selon Jean-Jacques Cloquet, pourrait apparaître comme un repère: écouter ses limites, oser prendre des risques, (s’) autoriser à faire des erreurs et surtout montrer le sens de ce qu’on fait.
“Avant, on choisissait un job pour le salaire, les avantages. Aujourd’hui, ça change, on est en quête de sens. Et finalement, c’est du bon sens que de s’intéresser à ses collaborateurs, de provoquer des échanges. Si le citoyen ne se reconnaît plus dans le service public, au service public de se rapprocher du citoyen. Cette remise en question peut aider à retrouver du sens, que va-t-on faire pour mieux fonctionner? Pour que ça aille.”
Au fil des expériences qu’il raconte avec enthousiasme et humilité, Jean-Jacques Cloquet livre son “secret”: l’humain, principal atout du développement d’une structure. Miser sur le ROC, le retour sur considération, c’est privilégier l’humain, à tous les niveaux de la hiérarchie, estimer que chacun, par son expérience, peut faire évoluer l’institution dans son ensemble.